Aperçu
On ne peut pas parler du Mandchoukouo sans évoquer l’histoire de cette région : la Mandchourie. Grande comme la France, la Grande-
Les enjeux internationaux.
Dès 1803, la Mandchourie est ouverte à la colonisation paysanne chinoise par les autorités impériales. Ce mouvement de migration s’accentue au cours du XIXème siècle et est encouragé par le gouvernement (contrairement à la politique de séclusion privilégiée de la Mandchourie suivie jusqu’au XVIIIème siècle), dans la mesure où une Mandchourie presque dépeuplée résiste mal aux pressions des grandes puissances.
À la fin du XIXème siècle, la Mandchourie change en effet brusquement de statut géopolitique. D’une situation de confins, d’isolement dans une région de montagnes et de forêts presque désertes, elle se trouve brusquement transportée au cœur des rivalités internationales en Extrême-
La pénétration russe en Mandchourie s’accentue à la fin du siècle, au moment où toutes les grandes puissances cherchent à s’assurer par la force, en Chine, des avantages économiques et militaires. L’Allemagne, en 1897, se fait octroyer le magnifique port de Tsing Tao ; la France, en avril 1898, le port de Kouang Tchéou Wan ; l’Angleterre, en juin de la même année, le port de Wei Hai Wei, face à Port-
1905 1931 1935
Évolution des lignes de chemin de fer : Russes ; Chinoises ; Japonaises
Ce voisinage inquiète le Japon qui convoite aussi les richesses de cette région et provoque en 1904-
Ainsi écartelée entre les puissances, éloignée du gouvernement central, dépourvue de structures sociales rigides du fait de la tardive implantation chinoise, la Mandchourie est à la fin du XIXème siècle la terre classique des aventuriers et des insoumis. Ceux-
La poussée générale et l’anarchie militaire, qui caractérisent en Chine toute la période consécutive à la révolution républicaine de 1911, affectent particulièrement la Mandchourie, du fait de sa situation marginale. C’est l’ère des « seigneurs de la guerre », qui se disputent les provinces.
L’incident de Moukden
Tant que la Chine du nord a été en guerre avec celle du sud, les Japonais conservent l’avantage car ils se sont fait un allié du maître de la Mandchourie, Zhang Zuolin, qu’ils soutiennent financièrement et matériellement. L’ambition venant avec le succès, celui-
Le samedi 19 septembre 1931 au matin, les habitants de Moukden constatèrent à leur réveil que la ville était entre les mains des troupes japonaises. Pendant la nuit on avait entendu des coups de feu, mais il n’y avait rien d’extraordinaire à cela ; car pendant toute la semaine, la population de Moukden en avait entendu toutes les nuits, les Japonais procédant à des manœuvres avec tir de fusil et de mitrailleuse. Sans doute, les coups de canon et le sifflement des obus, pendant la nuit du 18 septembre, firent croire à la population à une répétition un peu plus bruyante que d’habitude.
Bien entendu la version japonaise des événements prétend que c’est une patrouille nippone qui a été attaquée par des soldats chinois et la version chinoise prétend le contraire. Il s’en suit des négociations au sein de la Société des Nations, en voici un résumé :
La répercussion de ces événements fut considérable. La situation des Japonais était rendue très difficile dans de nombreuses villes chinoises, même en dehors de Mandchourie. Le gouvernement de Nankin saisit celui de Tokyo de protestations diplomatiques et fit appel à la Société des Nations. Le Conseil entendit les représentants des deux pays et finalement avant de se séparer, l’assemblée de Genève vota une résolution prenant acte des assurances pacifiques exprimées par les deux antagonistes. Elle convoqua le Conseil pour une réunion exceptionnelle le 14 octobre afin d’examiner, de nouveau, la situation. Les Japonais retirent donc leurs troupes dans les zones où les traités leur donnent le droit de les maintenir. Cependant, la situation continue de se dégrader : manifestations anti-
Le dernier Empereur.
Pendant que des débats interminables s'engagent devant la Société des Nations, les Japonais oeuvrent dans l’ombre. N’existe-
Tout dans cette aventure semble tenir du roman. Pu Yi est le dernier descendant de la dynastie des Qing. Cette dernière, en 1644, avec l'aide des Mongols, s'empare de Pékin et gouverne le Céleste Empire. Pu Yi monte sur le trône à l'âge de trois ans comme empereur de Chine, le 2 décembre 1908, sous le nom de Hsuan Tung « Proclamation des principes fondamentaux ». Trois ans plus tard, en 1911, la révolution chinoise le contraint à abdiquer. L'empereur enfant est déchu de ses droits et devient simplement Henry Pu Yi.
En 1917, à douze ans, il est rétabli empereur pendant trente jours, au cours de la sixième année de la République chinoise. Il reçoit alors une éducation moderne et apprend l’anglais. En 1922, à dix-
En 1924, Pékin se trouvant de plus en plus menacé par l’occupation d’armée en pleine guerre civile, il quitte le palais et se réfugie à la légation du Japon. Il se rend à la concession japonaise de Tientsin déguisé en homme du peuple et mène, pendant plusieurs années, une existence d'étudiant.
Sans doute, dès cette époque, les dirigeants japonais ont-
Lorsque ce dernier capitule, le 18 août 1945, Pu Yi tente de fuir vers le Japon. Mais sa tentative échoue, probablement à la suite d’une trahison. Arrêté par les Soviétiques, il est incarcéré en Sibérie, à Khabarovsk. En 1946 il témoigne à Tokyo contre des Japonais considérés comme criminels de guerre. En 1950, il est livré aux autorités chinoises qui le considèrent, lui aussi, comme criminel de guerre. Il est emprisonné et après une rééducation, il est gracié en 1959 et meurt à Pékin en 1967.
Un nouvel Etat.
L’indépendance de la Mandchourie est proclamée le 24 février 1932. Le correspondant du Nord China Daily News qui était à Harbin le 26 février 1932 et qui assiste aux cérémonies de l’indépendance, relate que celles-
La commission Lytton est envoyée par la Société des Nations pour enquêter sur les conditions de la formation du Mandchoukouo et sur l’attitude des populations vis-
Les Japonais assurent, avec une conviction qui pourrait devenir communicative, que le Mandchoukouo est un pays entièrement indépendant qui a simplement signé avec le Japon un traité de communauté d’intérêts. Ce traité, ou plutôt ce protocole, en date du 15 septembre 1932, donne le droit au Japon de faire stationner ses armées dans le pays. En voici le texte intégral :
PROTOCOLE JAPON MANDCHOUKOUO
SIGNÉ LE 15 SEPTEMBRE 1932
À HSINKING
Alors que le Japon reconnaît le fait que le Mandchoukouo, conformément à la volonté de son peuple, s’est constitué en État indépendant;
Et :
Alors que le Mandchoukouo a déclaré son intention de se conformer à tous les engagements internationaux en vigueur en Chine dans la mesure où ils sont applicables au Mandchoukouo;
Maintenant les Gouvernements du Japon et du Mandchoukouo ont, dans le but d'établir une relation durable et de bonne entente entre le Japon et le Mandchoukouo, chacun respectant les droits territoriaux de l'autre, et aussi pour préserver la paix en Extrême-
1. Le Mandchoukouo maintiendra et respectera, dans la mesure où aucun accord contraire ne sera établi dans le futur entre le Japon et le Mandchoukouo, tous les droits et intérêts possédés par le Japon ou ses sujets sur le territoire du Mandchoukouo en vertu des traités sino-
2. Le Japon et le Mandchoukouo, reconnaissent que toute menace au territoire ou à la paix et à l’ordre des Hautes Parties Contractantes constitue, en même temps, une menace sur la sécurité et l’existence de l'autre, consentent à coopérer pour l'entretien de leur sécurité nationale; il est entendu que des forces japonaises peuvent être nécessaires et dans ce but seront basées au Mandchoukouo.
Le présent Protocole entrera en vigueur à la date de sa signature.
Le présent Protocole a été imprimé en chinois et en japonais, deux copies identiques ont été faites dans chacune des langues. Si un doute devait subsister quant à l’interprétation entre le texte chinois et le texte japonais, le texte japonais prédominera.
En foi de quoi les soussignés, dûment autorisés par leurs Gouvernements respectifs, ont signé le présent Protocole et ont apposé leurs sceaux.
Fait à Hsinking, le 15e jour du neuvième mois de la première année de Tatung,
Correspondant au 15e jour du neuvième mois de la septième année de Showa.
(L.S.) CHENG HSIO-
(L.S.) NOBUYOSHI MUTO, ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire de Sa Majesté l'Empereur du Japon.
Le Mandchoukouo reçoit une constitution provisoire et, tant bien que mal, entreprend de vivre, malgré le scepticisme ou l'hostilité des puissances qui ne veulent voir en lui qu'une création artificielle du Japon. Son unité territoriale est encore incomplète, car la province du Jehol, que le gouvernement de Nankin a rattaché à la Mandchourie, reste encore entre les mains des Chinois. En février -
Le Japon n’y est pas favorable. Mais plusieurs raisons déterminent son changement d’attitude. D’une part les intrigues des partisans de Pu Yi, impatients de recueillir les avantages matériels et moraux d’une restauration impériale. D’autre part, les opportunités politiques sont prépondérantes. Le Japon se rend compte que son acte de reconnaissance de l’autonomie mandchoue, le 15 septembre 1932, n’a guère impressionné l’opinion internationale. Le Mandchoukouo « indépendant » est considéré comme un protectorat déguisé. Le meilleur moyen n’est-
Mais ce type de manifestation impérialiste risque d’être mal ressenti et bien que le Japon se soit retiré de la Société des Nations, il n’envisage pas de s’exposer à son animosité. De plus, une autre préoccupation du gouvernement japonais est d’améliorer ses rapports avec la Chine. La crainte des Chinois est que Pu Yi soit remis sur le trône de Pékin. La résurrection d’un empire mandchou au Mandchoukouo peut les rassurer. Pu Yi n’a-
Le XXème siècle est pour le Mandchoukouo une période de grand développement économique. Les Japonais contrôlent économiquement la région. Ils ouvrent de vastes mines de charbon à Anshan et de fer à Fushun. Leurs chemins de fer assurent des débouchés à une production agricole en expansion (céréales, soja, coton). Ils équipent les grandes villes. Le Mandchoukouo est une pièce essentielle de l’empire économique des grands zaibatsu japonais (Mitsumi, Mitsubishi).
La fin du nouvel Etat.
Le 9 août 1945, à la fin de la seconde guerre mondiale, les Soviétiques envahissent le Mandchoukouo, plus d’un million de soldats entrent dans le pays. Ils s’installent à Harbin, principal centre ferroviaire du Transmandchourien. Cette position est, dès 1946, transférée discrètement aux guérilleros communistes qui combattent les armées du Guomindang dans le reste du pays et assiègent les grandes villes. Le 14 août, ils prennent Moukden et le 23 août Port-
Les trois provinces du Nord-
La révolution culturelle fut particulièrement active dans le Nord-